C’était à la base un projet un peu fou, sortir le JM de la poussière accumulée après plus de 10 années d’arrêt. Le dernier vol a eu lieu en janvier 2002, avant d’être arrêté, sans moteur puis laissé à l’abandon dans le hangar Nord.
Quelques années plus tard, en 2012, 6 membres du club passionnés d’aéronautique se décident à monter une association, « The last of the few », du nom du Super Emeraude CP1330 N°942, dernier appareil sorti des usines PIEL / SCINTEX en 1966. Commencent alors de longues années de restauration que je vous propose de découvrir dans le résumé ci-dessous.
Le JM est transféré dans le hangar EST, où une place lui est trouvée à force de « Tetris ». Première étape, nous décroisons l’avion, c’est-à-dire que nous déposons l’aile du fuselage. L’aile est positionnée sur un support sur mesure, permettant de la pivoter sur 180° pour les opérations à venir. La première étape consiste à désentoiler toutes les surfaces afin d’accéder à l’ensemble des pièces et surtout vérifier l’intégrité des boiseries ; le taux d’humidité étant ce qu’il est dans le hangar avec un entoilage en lin qui n’est plus tout jeune.
Toutes les pièces démontables sont déposées et identifiées. Toutes les pièces métalliques sont décapées, notamment à l’aide d’une cabine de sablage construite pour l’occasion, contrôlées selon les plans d’origine obtenus via le musée d’Angers où nous avons trouvé la liasse de documents. Elles seront remises en état, traitées pour la corrosion puis repeintes.
Nous transférons le JM en 2 parties dans le sous-sol de Stéphane Méhat, qui déménage avec sa famille aux Etats-Unis à ce moment. Cela tombe bien, nous avons besoin d’un endroit au sec et tempéré pour les travaux de menuiserie, par exemple le remplacement du contre-plaqué du marchepied côté gauche, mais également pour l’entoilage. Nous avons été aidé pour cette étape cruciale par Nadia Litvan, dernière entoileuse itinérante en France.
Elle nous forme aux techniques d’entoilage, plus complexes pour des formes arrondies ainsi qu’au lardage autour des nervures, technique permettant de renforcer la structure de l’aile. Le résultat est superbe et met en avant les formes harmonieuses de l’aile elliptique. Arrive le moment clé des couleurs de l’avion. Après de nombreuses discussions, nous optons pour les couleurs arborées par le prototype lors de sa présentation au salon du Bourget de 1961. Nous sommes décidés et il ne nous reste qu’à appliquer les différentes couches : enduit de tension, protection UV et peinture soit 7 couches au total pour obtenir le résultat escompté.
Nouveau transfert au hangar EST et début des opérations de remontage. Nous profitons de cette restauration pour remplacer tous les roulements et paliers lisses, la visserie ainsi que les écrous prisonniers. Les câbles de commandes et téleflex pour le trim de profondeur sont refaits à neuf ainsi que le circuit anémométrique. Les plexiglass de verrière sont également neufs, acheminés depuis l’Angleterre, un des rares endroits où il existe encore une personne capable de les faire avec les bons moules ! Les trains principaux sont révisés, le chrome refait chez un autre spécialiste et la roulette de queue est neuve. Tous les éléments du système de freinage sont rénovés ou remplacés si nécessaire. Nous montons des pneumatiques neufs.
Côté cabine nous remplaçons la sellerie, les matelas d’isolation et la moquette. Pour l’avionique, nous sommes assistés par Francis Barthe avant qu’il ne parte s’installer dans le sud-ouest. Nous en profitons pour simplifier le système électrique et éliminer les alimentations 115v AC et 28v DC ainsi que l’ILS ! La planche de bord est restaurée en nous inspirant de nos recherches historiques sur le sujet et nous installons l’ensemble des instruments passés au banc d’essais. Un transpondeur Garmin ainsi qu’une radio Trig 8.33 est installée pour être au dernier standard réglementaire.
Enfin le moteur ! Ce dernier est acheté d’occasion à Compiègne, nous réalisons une VNIP en 2020, Visite de Non Interruption de Potentiel chez un expert des moteurs Lycoming à Bordeaux. Après dépose des cylindres, vérification des côtes, de l’absence de corrosion et de criques et d’un contrôle de l’arbre à cames, il ressort avec un bon nettoyage, l’application des derniers Service Bulletin, une peinture, des bougies et des joints neufs.
Sur l’avion le circuit essence est repris, les joints sont remplacés, une pompe électrique neuve, les magnétos sont révisées, un démarreur Sky-Tec est installé et une conversion alternateur + régulateur est entreprise pour remplacer la génératrice de l’époque qui était manquante.
Le résultat est probant, après installation sur son bâti, branchement de toutes les interfaces et montage de l’hélice d’origine révisée chez Evra, le démarrage se fait au quart de tour et les compressions sont mesurées dans les tolérances.
L’ensemble des contrôles au sol moteur tournant ainsi qu’un point fixe permettent de nous assurer que tous les paramètres sont au vert. Une pesée avion est réalisée en octobre 2020 et le résultat est encourageant, le JM est passé de 481kg à 465kg à vide soit une cure de 16kg !
En parallèle, le dossier administratif auprès de l’OSAC suit son cours. Les différents formulaires sont renseignés, un Programme d’Entretien est déposé et validé, une dérogation pour conserver les marquages de l’époque est obtenue et rdv est pris pour la visite de classification annexe 1 du F-BMJM le vendredi 13 novembre 2020 !
Après 5 heures de présentation de notre dossier et de l’avion à l’inspecteur aéronautique, aucun écart n’est relevé et c’est avec joie que nous vous annonçons l’obtention du CDNR, Certificat De Navigation Restreint !
L’histoire : je l’ai volontairement réduite pour n’en garder que les avancées positives et l’on pourrait penser que 2 ou 3 années suffiraient à cette restauration. Or, vous avez tous suivi de près ou de loin les péripéties de cette restauration ; nous avons essuyé de nombreux déboires, dû trouver des solutions pour remplacer des pièces qui n’existaient plus sur le marché, l’aide inestimable de notre ami Roger B. pour tourner et usiner des pièces nous a été précieuse ; faire avec le matériel présent sur place ou ramené de chez nous, dans des conditions de travail souvent difficiles en composant avec nos familles et nos vies professionnelles. Nous ne comptons pas les allers retours et les heures passées sur l’avion durant toutes ces années, le résultat se suffit à lui-même pour nous les faire oublier.
Il reste une étape avant que le JM n’entre à nouveau dans la flotte des avions de l’aéroclub Pierre Trébod, à savoir les vols de contrôles que nous espérons pouvoir faire avant la fin de l’année 2020 en fonction des conditions du moment. Après cela, nous vous souhaitons, à tous, de très bons vols sur le F-BMJM !
Et nous ne pouvons terminer cette histoire sans remercier toutes les personnes, du club ou d’ailleurs, qui nous ont aidé, que ce soit par leur présence et aide sur l’avion ou par leur soutien moral. Il est impossible de remercier individuellement tant la liste est longue mais nous espérons bien sûr vous récompenser par la joie de voler enfin, ou à nouveau dans le JM.
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